Quand on a décidé de partir il faut faire ses bagages, seller son âne et se mettre en route. La montagne est à peine visible dans le lointain. A l’aube il faut partir.
C’est un grand départ. Il faut dire adieu. A quoi ?
A tout et à rien. A rien, car ce monde que l’on quitte sera toujours là près de nous, jusqu’à notre dernier souffle, toujours aussi près de nous. Etant chassé et repoussé, il a bien des chances de surgir avec plus de véhémence à l’intérieur de nous même.
A tout car en partant à la recherche de l’absolu, nous coupons les ponts avec tout ce qui pourrait nous en détourner.
La séparation, finalement, n’est pas dans l’éloignement mais dans le détachement. Il faut à tout prix empêcher notre personnalité de se replier sur elle-même, de se construire une citadelle.
Avant de partir, il ya quelques coup de hache et de serpe à donner. En tranchant autour de soi, on voit immédiatement que l’on tranche en soi. Mais il ne faut pas attendre d’être détaché de tout et de soi pour partir.
Qu’emporter avec soi ? Tout soi-même et rien de moins. Etrange réponse après avoir dit qu’il faut tout laisser et surtout se laisser soi-même. Et pourtant c’est vrai, il faut s’emporter tout entier. Beaucoup ne partent qu’en apparence. Ils se mettent eux-mêmes en sécurité avant de se mettre en route. Ils se font une personnalité artificielle, ce robot, cette ombre d’eux-mêmes qu’ils envoient. Ils n’entrent jamais vraiment de tout leur être dans l’expérience.
En partant, il faut mettre sur son âne tout ce que l’on possède et partir avec tout ce qu’on est, il faut prendre, les grandeurs et les faiblesses, les grandes espérances, les tendances les plus basse et les plus violentes, tout, tout, car tout doit passer par le feu.
D’après un texte du Père RAGUIN, « Chemin de la contemplation »